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bird bird

#668 Faut-il s'étonner de l'existence d'une flaque ? Le devrions-nous ?

March 13, 2020
Q

Récemment, je suis tombé sur des arguments d'athées qui affirment que l'univers n'est pas finement ajusté pour la vie, mais que la vie est finement ajustée sur l'univers et ils décrivent cela avec l'analogie de la "flaque" (que vous connaissez sûrement). J'ai cherché sur votre site web quelque chose qui réponde à cet argument, mais j'ai sans doute fait un "mauvais travail". Pourriez-vous me donner votre contre-argument ou m'indiquer un endroit sur votre site web où vous parlez de ce sujet ; car cet argument me tracasse et je ne sais pas comment le résoudre. Merci beaucoup pour votre travail et votre temps.

Simon

États-Unis

Dr. Craig

Dr. craig’s response


A

Comme indiqué, l'objection comporte un certain nombre de confusions. Premièrement, en affirmant que «l'univers n'est pas finement ajusté pour la vie», l'objecteur semble mal comprendre le terme «ajustement fin». Il s'agit d'un terme technique désignant les constantes et les quantités fondamentales de la nature qui se situent dans une fourchette très étroite permettant la vie. Mais l'objecteur semble considérer le terme comme signifiant «conçu». Il veut faire valoir que tout comme le trou dans lequel existe une flaque n'est pas conçu pour la flaque, l'univers n'est pas conçu pour nous et n'est donc pas ajusté avec précision. C'est tout simplement faux. Le terme «ajustement fin» est un terme neutre qui ne dit rien pour expliquer l'ajustement fin observé. Sinon, les tentatives d'expliquer l'ajustement fin de l'univers par le hasard ou la nécessité seraient contradictoires. Le fait que l'univers soit réglé avec précision pour les agents incarnés et conscients est un fait bien établi en physique et très peu contestable. La question est de savoir comment expliquer au mieux cet ajustement fin: nécessité, hasard ou conception?

L'affirmation qui prétend en outre que « la vie est finement ajustée sur l'univers» est inintelligible pour moi. L'objecteur ne peut pas dire «conçu», de peur de renverser son objection. Mais alors, est-il en train de dire que pour que l'univers existe, les paramètres de la vie doivent se situer dans une fourchette étroite autorisée par l'univers ?  Cela n'a aucun sens. Je crains que l'affirmation de l'objecteur n'est qu'un slogan tape-à-l'œil mais dénué de sens.

Si vous n'avez rien trouvé concernant l'analogie de la flaque, ce n'est pas à cause d'"un 'mauvais travail' de recherche", mais parce que vous n'avez pas reconnu cette vieille objection dans cette nouvelle mascarade sophistiquée. L'analogie de la flaque est simplement notre vieil ami le Principe Anthropique. On fait appel à un effet d'auto-sélection afin d'éliminer la surprise face à ce que l'on observe, si improbable soit-il. La flaque anthropomorphique ne peut être surprise de sa propre existence que si le trou existe. Il ne faut donc pas être surpris de la qualité du trou et de son ajustement. Si le trou n'était pas là, la flaque n'existerait pas pour en être surprise.

L'analogie présente de multiples lacunes. Par exemple, l'analogie suggère que nous essayons d'expliquer pourquoi cet  univers (cette flaque d'eau) existe.[1] Mais ce n'est pas le cas.  Nous essayons d'expliquer pourquoi un univers permettant la vie existe. L'analogie reviendrait à se demander pourquoi les flaques existent. Les flaques peuvent avoir n'importe quelle forme ou taille, de sorte qu'il n'y ait pas d'ajustement fin nécessaire pour expliquer les flaques. L'analogie s'écroule.

De plus, les partisans du principe anthropique reconnaissent que le principe ne peut être légitimement utilisé qu'en conjonction avec une hypothèse d'un ensemble d'univers (ou multivers). Le multivers peut être tacitement présupposé par l'objecteur, car il existe manifestement une multitude de flaques, de formes et de tailles différentes. Mais maintenant, l'objecteur a lancé sa barque dans les profondeurs métaphysiques et devra défendre son hypothèse d'ensemble d'univers contre les objections.

Enfin et surtout, l'effet supposé d'auto-sélection des agents incarnés est dénué de sens. Comme l'a expliqué Robin Collins, il n'y a aucune bonne raison de penser que seuls les univers finement ajustés contiennent des observateurs. C'est l'objet du fameux problème du cerveau de Boltzmann. Des mondes qui sont constitués d'un seul observateur ayant une perception illusoire d'un monde extérieur le concernant sont physiquement possibles. Alors, comment l'objecteur peut-il prouver que nous ne sommes pas dans un tel monde du cerveau Boltzmann? Comme il n'a aucun moyen de le faire, son affirmation selon laquelle nous, comme la flaque, ne pouvons observer que des mondes finement ajustés pour notre existence échoue et avec elle son objection à l'argument en faveur de la conception.


[1] L'objection semble également présupposer que la forme et la taille de la flaque sont essentielles à son existence, ce qui semble faux.

- William Lane Craig