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#691 Le problème des probabilités en diminution

July 23, 2020
Q

Bonjour Dr. Craig,

Je m'appelle Bram Rawlings et j'ai 16 ans. J'ai étudié les preuves de la résurrection pendant le confinement. Richard Swineburne, dans son livre The Resurrection of God Incarnate, mentionne le fait qu'Alvin Plantiga ait critiqué l'argument historique de la résurrection en raison du problème des « probabilités en diminution ». Je suis également tombé sur un article de Tim McGrew qui répond à la position de Plantiga. C'est assez effrayant de savoir que ce géant de la philosophie chrétienne affirme que l'argument historique concernant la résurrection de Jésus est finalement faible. Avez-vous un avis sur son objection ? Merci !

Bram

États-Unis

United States

Dr. Craig

Dr. craig’s response


A

En effet, c'est effrayant ! J'ai été très surpris lorsque j'ai entendu Plantinga pour la première fois énoncer cette objection envers les arguments apologétiques concernant l’historicité de la résurrection de Jésus.

Quel est le problème des probabilités en diminution ? Plantinga explique qu'une hypothèse explicative comme « Dieu a ressuscité Jésus d'entre les morts » n'est pas qu’une simple hypothèse. Au contraire, on suppose que Dieu existe, que Dieu voulait se révéler au monde, que Jésus de Nazareth a vécu sur terre et a affirmés des déclarations fortes le concernant, et que Dieu l'a ressuscité des morts pour confirmer ces déclarations fortes. Donc il s'agit en réalité d'une série d'hypothèses.

Maintenant si nous voulons calculer la probabilité de la résurrection de Jésus, il faut prendre en considération la probabilité de chacune des hypothèses. Tout d'abord, vous devez calculer la probabilité que Dieu existe. Ensuite, vous devez calculer non seulement la probabilité que Dieu existe, mais aussi la probabilité que Dieu voulait se révéler au monde. Ensuite, vous devez calculer la probabilité que Jésus a vécu sur terre et a affirmés des déclarations fortes le concernant. Enfin, vous devez calculer, en plus de toutes les hypothèses déjà mentionnées, la probabilité que Dieu ait ressuscité Jésus d'entre les morts. La probabilité que toutes ces hypothèses soient vraies est donc le produit de toutes les probabilités multipliées ensemble. Plantinga conclut que même dans la situation où chacune de ces hypothèses ait une probabilité très élevée (disons 90%), à mesure que l'on multiplie ces probabilités ensemble, la probabilité de l’ensemble diminue : 0,9 x 0,9 x 0,9 x 0,9 x 0,9 = 0,66. La probabilité devient de plus en plus faible jusqu'à ce qu'il s'avère que vous arriviez en dessous des 50 %. Finalement, la probabilité peut s'avérer très faible. Par conséquent, l'hypothèse de la résurrection de Jésus peut s'avérer peu probable. C’est pourquoi, Plantinga pense  que nous ne devrions pas fonder notre croyance en la résurrection de Jésus sur des preuves historiques.

D’emblée nous ressentons qu’il doit y avoir une erreur dans cette objection. Même si on ne sait pas où elle se situe, on sait qu'il y a forcement quelque chose qui cloche. En effet, si cette objection était vraie, elle ne saperait pas uniquement la croyance en la résurrection de Jésus, elle rendrait impossible toutes les croyances étant basées sur une série d'événements. Laissez-moi vous donner un exemple tiré de la science physique. Au sein de la constellation du Cygne, il y a une que les astronomes nomment Cygnus X-1. Sur la base de preuves scientifiques, la plupart des astronomes pensent qu'il est très probable que Cygnus X-1 soit un trou noir. Considérons maintenant cette hypothèse à la lumière du problème des probabilités en diminution de Plantinga. L'hypothèse se fonde tout d'abord sur la probabilité du soi-disant principe copernicien selon lequel nous n'occupons pas une place particulière dans l'univers. Ce principe implique que les lois de la nature que nous connaissons sont les mêmes que celles qui existent dans la constellation du Cygne. Si les lois de la nature au sein de cette constellation étaient totalement différentes de nos lois de la nature, nous ne pourrions tirer aucune sorte de conclusion concernant Cygnus X-1. Deuxièmement, nous devons considérer la probabilité de la théorie générale de la relativité, puisque c'est sur la base de cette théorie gravitationnelle que les trous noirs sont prédits. Troisièmement, il y a la probabilité que l'éclipse de rayons X que nous observons dans le Cygnus X-1 soit due à un objet compagnon gravitant autour de X-1, un autre objet stellaire dans ce système binaire qui nous aide à identifier X-1. Quatrièmement, nous devons émettre l'hypothèse, sur la base de l'orbite de cet objet compagnon, que X-1 a une masse d'environ trois à quatre fois celle du soleil. Cinquièmement, en se basant sur les rayons X vacillants émis par X-1, nous devons supposer que la taille de X-1 est d'environ 15km de diamètre. Enfin, nous devons considérer la probabilité qu'il n'y ait pas d'autre objet qui pourrait causer ces phénomènes, par exemple une étoile à neutrons, qui est un objet stellaire très compact mais qui n'est pas un trou noir. Même si chacune de ces hypothèses avait une probabilité de 90%, la probabilité de l’ensemble diminuerait exactement comme l'imagine Plantinga, de sorte qu'aucun scientifique ne pourrait jamais conclure de manière raisonnable que Cygnus X-1 est un trou noir. Pourtant, la plupart des astronomes pensent qu'il s'agit probablement d'un trou noir. Il doit donc y avoir quelque chose de faux dans l'argument de Plantinga, sinon cela saperait le raisonnement historique mais aussi scientifique.

Heureusement, comme vous l'avez mentionné, Timothy McGrew, un philosophe chrétien de l'ouest du Michigan, a mis en évidence ce qui était faux dans cette théorie. Le problème est que Plantinga pensent à tort que le nombre de preuves est constant alors que les hypothèses s’accumulent. Cela est évidemment faux. Lorsque quelqu'un dit que la probabilité de l'existence de Dieu est de 90% compte tenu des preuves, il n’utilise que les preuves en relation avec l'existence de Dieu. Par exemple, les arguments théistes que je défends comme la preuve par le commencement de l'univers, la preuve de l’ajustement fin de l'univers permettant l’existence d’une vie intelligente, la preuve par les valeurs morales objectives, ou encore la preuve de l'argument ontologique. Aucun des arguments cités sont des preuves concernant Jésus ou les Évangiles. Ils font appel à certains faits généraux de l'expérience tels que des faits moraux ou des faits sur l'origine de l'univers, etc. Lorsque nous imaginons la probabilité que Dieu existe et qu'il voulait se révéler au monde, alors nous complétons les preuves de l’existence de Dieu par les preuves que Dieu voulait se révéler au monde. De même, lorsque nous demandons quelle est la probabilité que Dieu existe et qu'il voudrait se révéler et que Jésus a existé, nous ajoutons encore de nouvelles preuves. Tant que les preuves continuent d'augmenter au fur et à mesure que de nouvelles hypothèses sont envisagées, il importe peu que les hypothèses s’accumulent en série. L'erreur de Plantinga est de penser que le nombre de preuves avancées reste constant alors que de nouvelles hypothèses ne cessent de s’ajouter. C’est totalement faux. En réalité, les preuves s'accumulent et ainsi la probabilité de la conjonction des hypothèses peut même être amené à augmenter ! Étant donné l’ajout de preuves supplémentaires, la probabilité que Dieu ait ressuscité Jésus d'entre les morts pourrait en fait être plus grande que la probabilité antérieure du simple fait que Dieu existe. Par conséquent, l'objection de Plantinga basée sur les probabilités en diminution s'avère être une mauvaise conceptualisation.

À vrai dire, Plantinga était d'accord avec l'analyse de McGrew et a précisé qu'il s'opposait simplement à la façon dont Swinburne avait initialement formulé son argument, qui, selon Plantinga, était soumis au problème de la diminution des probabilités. Swinburne a répondu que son intention était d'offrir un argument de probabilité dans le sens de McGrew.

- William Lane Craig